forma
 
   

dominique Forma skeud

SKEUD

Extrait du chapitre 14, Fin de règne

Parution en février 2008 chez FAYARD NOIR

 

Terry m'avait soigné! La correction que l'anglais et ses sbires m'avait infligé, n'avait duré que quelques secondes, mais j'avais dégusté! Le temps d'apercevoir le pare brise de ma déesse voler en éclat et je terminai le nez dans le caniveau. Trop sur de moi, trop confiant, trop d'alcool aussi... Trop con surtout! Plus qu'un cassage de gueule ou une mise à l'amende, c'était une destitution, une révolution, la fin de mon règne. J'allais apprendre, à mes dépends, que les chutes sont sans fin, qu'elles tendent alors vers l'infini.

Débris de pain toasté. Portions de saumon. Mégots de cigarettes. Tâches de vin sur la moquette épaisse. A moins que ce soit mon pauvre sang coagulé…
Mon œil gauche, boursouflé comme un fruit trop mur, refusait de s'ouvrir. La poussière des tapis me chatouillait le nez. De l’autre œil, en contre plongée, je remarquai les chaussures mauves à talons aiguilles de Duke qui trépignaient d’excitation.
Plus loin, au fond du salon, j’aperçus deux jambes de femme assise sur un divan. Trois mains masculines, deux hommes donc, lui caressaient les mollets. Une petite foule de voyeurs suivait la scène. Elle décroisa les jambes et les garda légèrement entrouvertes. Les mains remontèrent aussitôt pour s’agripper derrière ses genoux. D’un geste ferme, elles lui écartèrent les jambes pour les lui tenir à la verticale. La femme riait, communiquant aux spectateurs, son plaisir à être exhibée. Les deux types plongèrent la tête entre les cuisses de leur victime consentante.
Je reconnus Terry et Mike, deux de mes bourreaux de début de soirée. La fille n’était qu’un gadget pour chauffer la salle, une mise en bouche, j’étais le clou de la soirée.
Allongé sur le ventre, mains et pieds solidement tenus, j’étais écartelé, incapable de bouger. La bottine de Léo exerça une pression sur ma joue droite. J’étais bien placé pour pouvoir affirmer qu’il était élégamment chaussé. Une chance qu'il portait des chaussures neuves puisqu’il m’ordonna d’utiliser ma langue.
– Allez, nettoie ! Lèche ! Espèce de pourri !
Les invités s’enthousiasmèrent. Après le concert, les petits fours et les mains au cul aux groupies, mon humiliation clôturait une excellente soirée. Applaudissements, cris et rigolades couvraient la voix de Léo. La semelle appuyait maintenant sur ma bouche. Je serrais les dents et les fesses. Tenir le coup et attendre que ça passe.
– Lèche !
J'obéis et m'appliquai, les semelles de Léo étaient impeccables. Il relâcha la pression et leva la jambe pour me marteler le visage de son talon lorsqu'un liquide m’éclaboussa la nuque. Il me revint à l’esprit l’histoire de ce parrain de Détroit qui brutalisait les mauvais payeurs, les réduisant à la fonction d'urinoir devant femme et enfants. Mais Duke ne se prenait pas encore pour un chef mafieux: Il n’avait vidé que sa tasse de thé. Ses gardes du corps approuvaient, les invités aussi, et Léo l’encourageait à me verser le contenu de la théière.
– Il ne recommencera plus, affirma Léo.
Il s’accroupit près de moi et répéta :
- Hein, il recommencera plus ? Il a compris ?

skeud